samedi 17 août 2013

Mary Halvorson Quintet @ Fundação Calouste Gulbenkian, samedi 10 août 2013

Après être apparue la veille au sein du quartet d'Anthony Braxton, Mary Halvorson se présentait à la tête de son propre groupe sur la scène de Jazz em Agosto. Son quintet rassemble Jon Irabagon au sax alto, Jonathan Finlayson à la trompette, John Hébert à la contrebasse et Ches Smith à la batterie. Le trio g-cb-dms est la cellule souche de cet ensemble, celle qui en définit l'identité sonique, entre ancrage dans la tradition du jazz (John Hébert en pilier central) et goût pour les rythmes rock (Ches Smith en générateur d'énergies). Chacun des partenaires d'Halvorson au sein du trio semble ainsi la maintenir dans l'un des deux univers, dont elle nourrit autant son jeu que ses compositions, dans un va-et-vient de tous les instants. Les mélodies écrites par la guitariste ont ainsi des allures d'hymnes mélodiquement parlant, des ritournelles faciles à retenir aux intonations folk, aux lignes simples, entêtantes et entrainantes. Mais, pour soutenir ces chansons, elle fait usage d'un langage harmonique complexe, qui laisse beaucoup de place à son goût des dissonances, comme si elle proposait toujours plusieurs discours en parallèle. Rythmiquement, cela est renforcé par d’incessants breaks, des accélérations et décélérations abruptes, encore plus marquées en concert que sur disque.

En effet, Mary Halvorson étire les morceaux pour laisser plus de place à l'improvisation, aux digressions et à de nombreux solos des uns et des autres. Le jeu sur les vitesses est particulièrement illustré par les deux souffleurs. Jonathan Finlayson dilate le temps, ralentit le tempo, quand Jon Irabagon l'accélère, densifie le propos. Horizontalité contre verticalité, trompette contre saxophone, le refrain est connu, mais Halvorson le pousse ici dans ses limites. L'un des premiers solos de Finlayson - sans support de la rythmique - fleurte alors avec le silence. Au sein de la nuit lisboète, il installe progressivement un discours particulièrement solaire où se mêlent un goût pour les belles architectures, un attachement profond à la justesse du son et une science rythmique affirmée, et raffinée. On entend alors toutes ses années passées à fréquenter Steve Coleman. Son intervention évoque fortement les propres solos de l'altiste dans sa construction.
 
Igreja Santa Luzia, dans l'Alfama

Si la plupart des morceaux joués correspondent à du matériel déjà enregistré, Mary Halvorson nous propose aussi quelques compositions inédites. Je retiens particulièrement la numéro 42 (à l'instar de Braxton, la guitariste numérote ses compositions). Après une introduction à l'unisson des deux vents, Halvorson s'éloigne de son jeu en clair-obscur pour développer une approche rock très directe, servie par des riffs puissants et réguliers, et donner ainsi beaucoup de dynamisme au morceau. Intéressant de la voir élargir ainsi le registre de ce groupe - en tirant profit de ses multiples autres collaborations qui dépassent très largement le cadre du jazz, dans lequel se groupe reste ancré malgré tout.

Ce qui semble néanmoins un peu manquer à ce groupe, c'est une implication de tous les instants dans l'échange avec le public, pourtant nombreux et enthousiaste - et sans doute connaisseur vu la réputation d'exigence du festival. Rien à redire à propos de John Hébert, véritable pilier du groupe et à l'attitude toujours attentive, même quand il n'intervient pas. Il m'a semblé que c'était moins le cas de Ches Smith, pour le moins désinvolte à de nombreuses reprises (allongé par terre ou un genou sur la batterie en attendant que ça passe), ou de Jonathan Finlayson qui semblait parfois l'air un peu ailleurs (mais peut-être est-ce sa façon à lui de rester concentré). Pas de conséquence sur la musique, donc rien de primordial, mais comme une vague impression laissée d'une trop forte dose de nonchalance qui finit par entraver quelque peu la transmission de la musique. Dommage, parce que pour ce qui est de celle-ci, elle est excellente.

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